Ecole française de spiritualité
D'où vient la spiritualité vincentienne ? Dans le Grand Siècle où vécut Vincent Depaul, la Contre-Réforme était en plein essor. Car les décrets du Concile de Trente (1545-1563) venaient à peine d'être ratifiés par la France, en 1615 . Le Concile de Trente entendait réformer le clergé en profondeur. Dans ce mouvement de rénovation, la personnalité du Cardinal de Bérulle (1575-1629) allait marquer profondément la vie spirituelle du clergé français. En fondant l'Oratoire de France en 1611, Pierre de Bérulle devient un acteur majeur de la réforme catholique dans l'Hexagone. Il oriente son action vers le petit clergé des villes et des campagnes.
Vincent Depaul comptera parmi les premiers disciples du Cardinal de Bérulle, notamment pour "missionner" dans les campagnes. C'est au contact du Cardinal de Bérulle que Vincent Depaul change de projet de vie et renonce à ses ambitions mondaines. Pendant ses missions rurales à Ganne (La Somme) puis à Châtillon-les-Dombes (L'Ain), il trouve finalement sa propre voie en 1617. C'est donc dans la spiritualité bérullienne que Vincent de Paul forge sa propre vie spirituelle.
Le Cardinal a renouvelé au XVIIe siècle la manière de se penser chrétien. Il propose une spiritualité de l'Incarnation. Se détournant des mystiques du Moyen-Age, Pierre de Bérulle met l'accent sur l'homme Jésus comme le seul chemin historique et "expérimentable" vers Dieu.
Jésus est le modèle du prêtre missionnaire des âmes et de la charité active envers les pauvres. La seule charité véritable devant Dieu est celle du Christ. La seule prière véritable devant Dieu est celle du Christ. Notre charité doit être celle du Christ. Notre prière doit se joindre à celle du Christ. Car tous chrétiens ne forment qu'un seul corps avec le Christ. Toute réalité doit être incorporée à Jésus-Christ. Vincent de Paul apportera des accents très personnels à la spiritualité bérullienne, notamment par une identification immédiate et intime du Christ à la personne des pauvres: "Notre-Seigneur vous est présenté en la personne des pauvres." Mais encore par un attachement tout particulier pour le Christ évangélisateur des pauvres: "Evangelizare pauperibus misit me" (il m'a envoyé annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres) est la maxime évangélique que Saint Vincent a retenu comme devise. C'est en 1929 qu'un historien, l'abbé Henri Bremond, désignera dans ses travaux, la spiritualité bérullienne comme "Ecole française de spiritualité".
